Père de famille et finalement homosexuel… l’histoire d’un « coming out » de la région! | VIVA MÉDIA Skip to main content

Nous nous étions donné rendez-vous au Starbucks le samedi matin. Le soleil était de la partie et la terrasse presque vide. Rien n’était encore décidé, allions-nous publier son nom? Allait-il témoigner incognito? C’est que pour Benoît, tout est nouveau! En fait, sa nouvelle vie… bref, son « coming out » est récent!

(Photo Nicola Di Narzo)

Le voilà, il arrive et s’approche tout timidement pour valider si je suis bel et bien sa « date » journalistique! Fière allure, coupe de cheveux moderne et jeune, style casual, yeux pétillants, il réussissait à peine à cacher son stress derrière une apparence de calme et de contrôle.
« Salut, Benoît, enchanté! Inquiète-toi pas, nous allons écrire cela ensemble », lui dis-je pour le mettre à l’aise.

La glace était désormais brisée, mais Benoît portait encore les vestiges d’un passé difficile et l’inquiétude de l’emplacement était à la une! Il ne faudrait surtout pas que l’on entende! En fait, notre cher Benoît, âgé de 58 ans, incarne malheureusement ce qui est le propre des gens appartenant à la communauté LGBTQ+, c’est-à-dire, un sentiment de ne pas avoir le droit de s’exprimer ou même simplement d’exister!

Place choisie, café en main… notre nouvellement « out » se livre trouvant une aisance qui soudainement faisait fis du contexte!
« Tu sais, ce n’est pas simple mon histoire! Ce n’est pas facile de raconter tout ça… et en même temps je suis choyé parce que j’entends tellement d’histoires d’horreurs. J’espère que les milleniums n’auront plus à faire de “ coming out ”… qu’un jour tout ça sera juste normal. »

Ne pas se connaître

Et commençant par son adolescence, il se raconte au gré du café latte. Originaire de Sherbrooke, il n’avait jamais pensé être gai. Il n’était pas attiré par les mêmes choses que ses frères, il n’aimait pas les chars ni les sports et était un type plutôt sensible, il aimait les fleurs! Cela dit, il avançait naïvement dans la vie sans trop savoir ou trop chercher.

« Je savais ce que je n’étais pas, mais je ne savais pas ce que j’étais », affirme notre protagoniste.

C’est d’ailleurs ce qui va caractériser son histoire. Il avance dans la vie tout comme les autres de son temps. Il rencontre sa copine et, déménage à Les Cèdres pour des questions de travail, il achète une maison et aura des enfants tout en avançant dans la vie au gré des joies et des peines de la vie de couple.

« J’ai été souvent niaisé par des collègues de travail! Soit qu’on me disait être gai ou on me posait simplement la question : es-tu gai? Ça me fâchait parce que je n’avais pas le sentiment de l’être. Par bout, c’était devenu embarrassant au travail et à tous les cas suffisant pour porter plainte », continue-t-il.

De fait, presque tout son entourage, ses amis, ses collègues, sa parenté semblaient détecter chez lui ce que lui-même ne voyait pas. Dans son rôle de père, il préférait le jardinage et la cuisine aux tâches de rénovations et travaux autour de la maison, mais même cela ne le remettait pas en question.

Une évolution difficile

Mais avec le temps et l’âge, il commence à se rendre compte de bien des choses! Les jugements de ses pairs et amis commencent à le questionner, mais c’est surtout cette attirance grandissante et cette curiosité envers les autres hommes qui l’interrogent.

Une dizaine d’années auparavant il commence à se poser de sérieuses questions. Il ne sait plus ce qui l’habite. Cette attraction non avouée pour les autres hommes commence à l’envahir. De façon plus précise, 2-3 ans avant son « coming out », après un certain évènement familial, une sérieuse remise en question s’impose. Pour lui, tout cela n’est pas possible! Il sent le besoin de se questionner à nouveau et décide d’en parler à une amie proche de la communauté LGBTQ+. Malgré ses confidences, rien n’est encore vécu, rien n’est accepté.

Il faudra attendre 2016, après trois ans de luttes intérieures acharnées, avant qu’il se décide à affronter la question.
« J’étais plus capable de porter ça! J’étais tout à l’envers. Un certain vendredi soir, la soupape lâche, j’envoie un message à mon amie : “ il faut que je te parle ”. Le simple fait d’appuyer sur “ envoyer ” eu l’effet d’une bombe, c’était irréversible. Je n’ai pu la voir avant le dimanche suivant. Je me souviens encore de sa réaction : “ Oh! c’est gros, et énorme ce que tu me dis là! ” Ma conjointe travaillait de longues heures les fins de semaine. Le lendemain, le lundi, je devais aller travailler… j’étais un zombie. Puis le mardi, le moment était opportun pour parler à ma conjointe. Je perdais 6 livres par jour, et ce sans diète ni exercice, ça ne pouvait plus continuer! »
La réponse de sa conjointe fut tout aussi inattendue, bien qu’elle acceptait, elle fondit en larmes, car elle se disait qu’elle allait le perdre.

Les dés étaient lancés! Bien que tout cela était pénible et difficile, désormais tout était clair. Avec recul, Benoît se sait chanceux d’avoir eu sa conjointe qui a su l’épauler ainsi. « Elle a été là pour moi et ma soutenue dans cette transition difficile. Je suis choyé! Faisant partie de l’Association des pères gais, je peux te dire que ce n’est pas toujours ainsi. »

« Coming out » réalisé, il devra rapidement se rendre à l’évidence que d’être gai en région n’est pas facile. Les jugements sont nombreux et les curieux tout autant. Il se lance alors à la découverte d’un monde jusqu’alors inconnu.
« Ce que j’ai compris, aussi grâce à mon parrain au sein de l’Association des pères gais, c’est que tu finiras par gravir la montagne, mais tu tomberas et culbuteras. L’important c’est de voir qu’il existe d’autres modèles, que d’autres ont réussi avant toi », affirme Benoit avec conviction.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour Benoit. Après certaines tribulations, il rencontrera son copain et emménagera à Montréal où il pourra désormais vivre plus librement sans avoir peur d’être lui-même et de pouvoir simplement tenir la main de son copain quoique certains quartiers ne le permettent pas encore bien qu’en 2019. « Les défis étaient nombreux! Ce n’était pas évident! J’ai parfois pensé que j’avais tout bousillé. J’ai traversé de longues périodes sombres, j’ai consulté. Je portais deux flambeaux, celui du “ coming out ”, mais aussi celui d’une séparation après une relation de 30 ans. J’ai dû faire face à l’incompréhension de plusieurs, cependant, j’avançais avec la certitude que je n’avais jamais été malhonnête et que j’avais toujours vécu dans le respect de ma conjointe et de mes enfants », conclut Benoit.

En fait, l’histoire de Benoît n’est pas un cas isolé. L’acceptation de la communauté LGBTQ+ n’est pas encore chose faite. Selon des statistiques, 33 % des jeunes LGBTQ+ ont fait des tentatives de suicide en comparaison du 7 % des jeunes en général (Saewyc 2007 : information tirée du site https://egale.ca/backgrounder-lgbtq-youth-suicide/). De plus, plus de la moitié des jeunes LGBTQ+ (47 % des hommes et 73 % des femmes) ont pensé au suicide (Eisenberg & Resnick, 2006 : https://egale.ca/backgrounder-lgbtq-youth-suicide/).

Pour Benoît, sa fin est heureuse. Malgré le silence de certains amis, il se sait désormais accepté par ses enfants et soutenu par son ex-conjointe, ses amis en général et surtout sa famille. Il peut désormais vivre sa réalité profonde. Bien que certains peuvent juger la situation, il est fier d’entretenir une belle relation avec son copain et son ex-conjointe qu’il voit tout de même régulièrement puisqu’il garde avec fierté sa famille au cœur de sa nouvelle vie et tous, même son copain, se retrouvent pour de nombreux événements.

Nicola Di Narzo

Journaliste

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