"Je n'étais plus rien"-- Mélanie | VIVA MÉDIA Skip to main content

Le trafic sexuel cause des ravages incommensurables. Il marque au fer rouge le cœur et le corps des gens qui en sont victimes. Il laisse des blessures béantes et des traumatismes inqualifiables. Il emprisonne les victimes dans les bas-fonds de l’enfer et le chemin pour en revenir peut s’avérer long et extrêmement douloureux. Mélanie, une survivante, nous confie son histoire avec toute la force et la fragilité qui la définissent.

Mélanie a demandé à ce que son visage soit brouillé afin de protéger ses proches des jugements.

Désormais âgée de 38 ans, la femme nous accueille chez elle, prête à partager son expérience qui malgré les années qui ont passées, demeure toujours aussi douloureuse. Mélanie nous accueille en pleurant. Elle est transparente; elle est prête à s’ouvrir sur son histoire, mais se replonger dans cette époque de sa vie, lui fait mal. Elle souligne d’emblée que malgré tout ce qu’elle a vécu, ce qui est plus douloureux c’est le jugement des gens. La médisance, les étiquettes collées sur le passé des autres sans même prendre la peine de comprendre, de connaître la vérité.

 

 

Vers l’an 2000, Mélanie réside dans un petit village du Haut-Saint-Laurent. Elle est une adolescente comme toutes les autres. Comme les filles de son âge, elle est amoureuse. Contrairement à ses amies, son amoureux lui promet mers et monde. Il est plus âgé et lui fait miroiter un avenir rempli de possibilités. Aveuglée par l’amour, Mélanie lui voue une confiance absolue. « J’ai des bonnes bases. J’ai une bonne famille, une bonne maman, mais ces gens-là trouvent nos faiblesses. Ce n’est pas mon milieu qui m’a apporté là, ce sont les promesses d’un homme, la sécurité qu’il me promettait. Les projets, le conte de fées qu’il m’a mis dans la tête. À ce moment-là, il n’y avait que lui, je ne voyais rien d’autre que lui. Il a rapidement exercé un contrôle », confie la femme avant de prendre une pause pour reprendre son souffle.

 

Prise dans l’engrenage

En pleurs, Mélanie poursuit en soulignant que rapidement, il n’y avait plus rien à faire. « Je me suis ramassée à Montréal, sans trop comprendre ce qui se passait. Je voyais les autres filles aller travailler et rapporter de l’argent, mais moi, je pensais que j’étais spéciale parce que je n’avais pas à le faire. C’est ce que je pensais… Je ne comprenais pas ce qui se passait, je me sentais en sécurité à ses côtés. Dans ce temps-là, lorsque les gens parlaient des gangs de rue, ils parlaient de tueries, de drogues, mais pas de l’enfer que vivaient les filles en arrière de tout ça. »

 

 

Viols collectifs et séquestrations

Mélanie raconte que pour elle, tout a commencé par des viols collectifs et que rapidement, elle était prise au piège, ne pouvant plus communiquer avec sa famille.

« Tu n’as pas le droit d’avoir de cellulaire. Ils t’enlèvent toutes tes cartes d’identité. Tu sers de prête-nom. Les cellulaires utilisés dans la gang, sont au nom des filles. Je n’étais plus rien, je n’avais plus rien, même pas mon nom. Je suis tombée dans la drogue pour survivre. Jamais, je n’aurais été capable de faire tout ça à jeun. Nous étions constamment surveillées. Nous étions 4 filles séquestrées dans Hochelaga, dans un logement, sur des matelas posés sur le sol. Dans l’appartement à côté, il y avait aussi 4 autres filles. Lorsque tu finissais de travailler, ils te ramenaient dans ta chambre et barraient la porte. Il y avait toujours un gars sur place, chargé de nous surveiller. Je me revois, couchée sur mon matelas gonflable, me demandant où je serais dans 10 ans. Est-ce que je vais m’en sortir? Est-ce que je serais même encore vivante? Je voulais mourir, je ne voulais pas continuer. J’ai été battue, ils m’ont même défigurée. Une amie a été retrouvée dans le canal Lachine. »

 

Sauvée par des enquêteurs

Mélanie précise qu’elle a été sauvée par deux enquêteurs. Une fille qui collaborait avec eux leur a mentionné qu’elle connaissait une jeune qui avait désespérément besoin de leur aide. Ces derniers ont alors organisé une rencontre dans un motel. « Au début, je ne voulais rien savoir, je n’avais pas confiance. Ils ne m’ont jamais lâchée. Finalement, ils m’ont mis sur protection et il y a eu un procès. À cette même époque, mon pimp m’a retrouvée et a envoyé un gars à mon logement. Lorsque je suis arrivée, ce jour-là, j’ai eu un revolver sur la tête. Ce n’est pas parce que tu te sors de là que tout est terminé. »

Mélanie Calvé

Journaliste

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