Un simple bonjour | VIVA MÉDIA Skip to main content

Ici, à Salaberry-de-Valleyfield, certains itinérants se tiennent près du Dollarama. Lorsque nous allons magasiner, nous les croisons inévitablement. Stationnée près du commerce, en attendant mon conjoint, j’ai observé les gens qui passaient près d’eux. Certains les saluaient, d’autres fouillaient dans leur poche à la recherche de quelques pièces de monnaie tandis que plusieurs continuaient leur chemin en regardant ailleurs.

Un homme, visiblement en situation d’itinérance, saluait les passants. Assise dans ma voiture, j’ai remarqué que la plupart ne répondaient pas à ses salutations, comme si l’homme était invisible. Honnêtement, ça m’a brisé le cœur. Ne méritait-il pas un simple bonjour, un simple sourire? En l’ignorant, il ne disparaît pas. Il se sent probablement encore plus démuni. L’humiliation est grande, trop grande.

Pourquoi ignorer quelqu’un qui nous sourit, simplement parce qu’il vit dans la rue? Est-ce la crainte que l’étape suivante soit qu’il demande de l’argent? Est-ce parce que ça fait si mal que nous préférons regarder ailleurs? Est-ce une profonde indifférence? Je l’ignore.

Dernièrement, à la caisse du Dollarama, j’ai entendu une femme se plaindre à la caissière de la présence d’un itinérant près de la porte d’entrée. « Il n’y a pas moyen de venir magasiner tranquille », a-t-elle dit. La caissière a répondu qu’elle comprenait, mais que si ce dernier ne consommait pas et ne causait pas de problème, elle ne pouvait rien faire. Elle pouvait faire appel aux policiers que s’il perturbait l’ordre public. Elle a rassuré la dame en lui disant que l’homme n’était pas méchant. Cette dernière a rétorqué qu’il n’était peut-être pas méchant, mais qu’il était fatigant. Pourquoi? Parce que voir la misère, c’est fatigant?

Pourquoi est-ce que leur présence dérange à ce point certaines personnes? Nous sommes tous à une mauvaise décision de vivre une situation de grande précarité financière. Nous sommes tous à un évènement dramatique de vivre une épreuve de vie qui nous fera peut-être perdre tout ce que nous avons. Nous sommes tous à un épisode de dépression de perdre pied.

Je me fais un devoir de saluer ceux qui sont en situation d’itinérance. Je leur demande comment ils vont, je tente d’entamer le dialogue. Honnêtement, c’est souvent ardu et cela se résume bien souvent aux salutations d’usages, mais je fais un pas vers eux. J’ai souvent un peu d’argent, pour eux, dans ma voiture. Chaque fois, mon conjoint remet en question mon initiative en disant qu’ils utiliseront mon argent pour acheter de la drogue. Je lui réponds que c’est du jugement, que nous ne pouvons pas présumer de l’utilisation qu’ils en feront. Je lui réponds également que je me fiche de ce qu’ils feront de mon argent et qu’être à leur place, je consommerais probablement, aussi. Qui veut affronter le froid, la solitude, le mépris et le désespoir, en étant sobre?

Nous sommes privilégiés. Nous avons un toit sur notre tête. Nous mangeons tous les jours. Les gens nous rendent nos sourires. Je sais, vous me direz que nous travaillons en conséquence et que nous optons pour des choix de vie qui nous assurent notre confort. Je comprends, mais nous ne connaissons pas leur parcours de vie. Nous ne savons rien des épreuves qu’ils ont traversées ni des problèmes de santé mentale avec lesquelles ils composent.

Mélanie Calvé

Journaliste

Laisser un commentaire