Le 23 avril, les candidats de la circonscription de Vaudreuil ont pris part à un débat électoral organisé conjointement par CSUR La Télé, NÉOMÉDIA Vaudreuil-Soulanges, le Journal Saint-François et VIVA MÉDIA, en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie de Vaudreuil-Soulanges. L’événement a permis d’examiner les positions des candidats sur quatre enjeux majeurs.
Le débat électoral a rapidement pris une tournure identitaire dès la première question posée aux candidats : dans un Canada officiellement bilingue et face aux profondes transformations démographiques des dernières décennies, comment les élus et les institutions locales peuvent-ils assurer à la fois la vitalité du français et la cohésion culturelle dans une région aussi plurielle et dynamique que Vaudreuil?
Christopher Massé, candidat du Bloc Québécois, a insisté sur l’importance de reconnaître le français comme langue commune au sein de la nation québécoise. Selon lui, cette reconnaissance constitue un socle fondamental de la société québécoise, et le gouvernement fédéral se doit de soutenir les motions visant à sa protection. Il a rappelé que la motion de 2021, pourtant centrée sur cette défense, avait été rejetée par le député sortant, ce qu’il déplore.Pour ce qui est d’assurer une connexion avec la population, Peter Schiefke indique qu’il continuera d’appliquer la même politique qu’il applique depuis le début. « L’une de mes premières priorités à mon premier mandat c’était d’établir un lien fort et durable avec la communauté […] ma porte est toujours ouverte et n’importe quel citoyen peut venir me voir au bureau de circonscription s’il est préoccupé par quoi que ce soit ».
Peter Schiefke, candidat libéral, s’est dit en accord avec l’idée de protéger le français, mentionnant la loi C-13 comme pilier de cette volonté. Il a toutefois justifié son vote contre la motion bloquiste de 2021 par l’absence de la mention « dans un Canada uni », jugeant cette modification incompatible avec sa vision fédéraliste du pays. Il a néanmoins souligné l’effort de son bureau pour communiquer en français d’abord, dans un souci de respect des priorités linguistiques de la région.
Thomas Barré, candidat du Parti Conservateur, a pour sa part, rappelé que le français était en recul au Québec, affirmant que son parti souhaite agir de concert avec le gouvernement provincial pour faire du français la véritable langue de travail.
David Hamelin Schuilenberg, du Parti vert, a critiqué l’inaction en matière de protection des minorités visibles, estimant que les anglophones se sentent eux aussi marginalisés. Il interroge ainsi l’équilibre réel des mesures linguistiques mises en place.
Du côté du Parti populaire du Canada, Jean Boily a défendu une approche axée sur l’adhésion aux valeurs canadiennes, proposant notamment des tests d’intégration linguistique pour les nouveaux arrivants, insistant sur le bilinguisme comme socle commun.
Accès à la propriété et logement abordable
La seconde question a replacé les candidats sur un autre terrain brûlant : l’explosion des prix immobiliers. Dans Vaudreuil, le coût moyen d’une maison unifamiliale est passé de 386 000 $ à 660 000 $ en quatre ans. Le prix d’un logement locatif à deux chambres avoisine désormais les 1 720 $ mensuels.
David Hamelin Schuilenberg a ouvert le bal en défendant un revenu de base garanti comme mesure clé pour réduire la pauvreté, tout en plaidant pour une augmentation des pouvoirs accordés aux coopératives d’habitation.
Thomas Barré a dénoncé l’inaction fédérale dans la régulation des prix. Il propose d’éliminer la TPS sur les nouvelles constructions de moins de 1,3 million de dollars, tout en baissant le taux d’imposition sur la première tranche de revenus pour accroître le pouvoir d’achat des familles. Il prône aussi la mise en marché de terrains fédéraux pour la construction de logements abordables.
Peter Schiefke a détaillé le plan de son parti visant à construire deux millions de logements en quatre ans, tout en éliminant la TPS sur les nouveaux immeubles locatifs. Il a comparé cette crise à celle d’après-guerre, soulignant l’importance d’une réponse gouvernementale massive, citant un engagement de 25 milliards de dollars récemment annoncé.
Christopher Massé, de son côté, a rappelé l’importance de renforcer l’investissement fédéral dans le logement social et étudiant. Il s’interroge toutefois sur la faisabilité du plan proposé par les libéraux sans une main-d’œuvre suffisante.
Environnement et économie : une ligne de plus en plus fine à tracer
Le troisième thème abordé lors du débat électoral dans Vaudreuil-Soulanges a confronté les candidats à un dilemme bien ancré dans la réalité du territoire : celui de la cohabitation entre développement économique et protection de l’environnement. La MRC de Vaudreuil-Soulanges, qui détient le triste record du plus grand nombre de pipelines au Québec avec quatre grandes lignes de gaz naturel provenant de l’Ouest canadien, voit ces infrastructures traverser des zones sensibles, notamment à proximité immédiate de sources d’eau potable.
La question posée aux candidats était sans détour : où tracer la ligne entre croissance économique et préservation de l’environnement?
Jean Boily a rappelé que de nombreux produits de la vie courante sont issus de l’industrie pétrochimique, un secteur dans lequel Montréal joue un rôle central. Selon lui, il est essentiel de considérer l’ensemble des retombées économiques liées à cette industrie, notamment pour les travailleurs qui en dépendent directement. Il a également tenu à souligner que certaines communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès à l’eau potable.
Thomas Barré a quant à lui mis de l’avant la notion d’autonomie énergétique, affirmant que le Québec a les compétences et l’intelligence collective pour produire davantage, y compris en matière d’infrastructures comme les pipelines, sans pour autant compromettre l’environnement. Il prône une transition énergétique intelligente.
Sortant du cadre strictement environnemental, il a également fait un lien avec les enjeux migratoires, estimant que les échecs du gouvernement fédéral dans la gestion de l’immigration nuisent à la capacité de planifier durablement. Il a plaidé pour un rétablissement des seuils d’accueil cohérents, un meilleur contrôle des demandes d’asile jugées abusives, et le respect de l’entente conclue entre Brian Mulroney et le Québec sur les responsabilités partagées en immigration.
Peter Schiefke a réaffirmé que la protection de l’environnement demeure au cœur de son engagement politique, soulignant qu’il s’agissait de la principale raison de son entrée en politique en 2015. Selon lui, son parti proposait déjà le meilleur plan environnemental à l’époque, et il croit que c’est encore le cas en 2025.
Il a mis de l’avant plusieurs réalisations concrètes, notamment la protection de 2,2 millions de kilomètres carrés de milieux naturels, faisant passer la superficie des océans protégés de 1 % à 14,7 % du territoire maritime canadien. Il a aussi mentionné un investissement fédéral de 4 milliards de dollars pour des initiatives environnementales, dont une partie a permis de préserver 360 hectares du mont Rigaud ainsi que 11 hectares à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot. Il travaille actuellement à la protection de nouveaux secteurs à Vaudreuil-sur-le-Lac, convaincu que ces actions sont essentielles pour les générations futures.
Quant à l’équilibre entre économie et environnement, il a souligné l’importance de l’adhésion des provinces et des Premières Nations à tout projet d’envergure, comme les pipelines. À ses yeux, sans consensus, un tel projet ne peut aller de l’avant.
Enfin, en réponse aux critiques concernant l’accès à l’eau potable dans les communautés autochtones, il a rappelé que son gouvernement a réussi à faire chuter de 80 % le nombre de communautés sans eau potable depuis 2015. Même si des défis persistent, il estime que les progrès réalisés dépassent ceux de tous les gouvernements précédents.
L’immigration
Le dernier thème du débat a porté sur l’immigration. Alors que les besoins en main-d’œuvre augmentent dans plusieurs secteurs clés, les capacités d’accueil, tant au niveau des infrastructures que des services communautaires, demeurent limitées. Les candidats ont ainsi été invités à se prononcer sur la manière de trouver un équilibre durable.
Christopher Massé, du Bloc Québécois, a défendu l’idée que l’immigration devrait relever des provinces, considérant que chacune possède ses propres réalités et besoins spécifiques. Il s’est dit favorable à l’arrivée de travailleurs économiques dans un cadre bien balisé, tout en réclamant la fin des permis fermés, qui lient un travailleur à un seul employeur, au profit de permis ouverts permettant une plus grande mobilité et dignité.
Thomas Barré estime que cette tradition d’accueil doit se poursuivre, à condition qu’elle se fasse en complémentarité avec les communautés locales, dans un esprit de cohésion et de responsabilité partagée.
David Hamelin Schuilenberg a élargi la discussion en interrogeant la logique fédérale actuelle. Selon lui, il est incohérent de se présenter comme un parti environnemental tout en autorisant des projets d’exploitation pétrolière en mer. Il a également mis en lumière les tragédies humaines liées à l’immigration irrégulière, évoquant les familles qui tentent de traverser illégalement le fleuve Saint-Laurent. Face à ce qu’il qualifie de crise de la frontière, il réclame un renforcement immédiat des ressources de la GRC, notamment pour lutter contre la traite humaine.
Peter Schiefke a de son côté illustré les lourdeurs administratives qui freinent, selon lui, l’intégration de la main-d’œuvre étrangère. Il a affirmé qu’en tant que député, il lui est même difficile de faire entrer un seul travailleur temporaire sans obtenir une autorisation de la part du gouvernement provincial, appelant à une meilleure collaboration intergouvernementale.
Enfin, Jean Boily a comparé le système d’immigration à un aqueduc brisé : « on tente de vider l’eau au lieu de fermer la source ». Pour lui, il est temps d’imposer un moratoire temporaire sur l’immigration afin de réduire les délais de traitement et désengorger les services. Une pause qui, selon lui, permettrait de restaurer un certain équilibre.
En amont de la soirée électorale, notre journaliste Maxim Ouellet propose une série d’articles portant sur les candidats de Vaudreuil :
Peter Schiefke (Parti Libéral)
Christopher Massé (Bloc Québécois)
Dave Hamelin-Schuilenburg (Partit Vert)
Thomas Barré (Parti Conservateur)
Jean Boily (Parti Populaire du Canada)